Jacques Lacan : 29 décembre 1966 : Interview au Figaro Littéraire par Gille Lapouge (relue par Lacan). Source, École lacanienne de Psychanalyse.
Gille Lapouge :
Jacques Lacan est un clinicien et son livre, Écrits, forme d’abord la relation de son expérience de psychanalyste. Ainsi se trouve rejetés hors jeu tous ceux qui s’ingénient – dans le blâme ou dans l’éloge – à donner Lacan pour l’organisateur d’une métaphysique que l’on peinerait ensuite à pousser dans les chicanes de la maladie mentale, de la raison ou de la déraison, voire de l’Être.
Le puissant outillage intellectuel qu’il emploie ne doit pas faire illusion, non plus que la trace laissée par son travail sur des œuvres bien étrangères à la psychanalyse.
En vérité, le chemin de Lacan est fidèle à celui de Freud. Son pas est celui de la science, non de la philosophie.
Il ne part pas de notions générales, mais de ses rencontres avec le réel. Simplement, il arrive que ses rencontres allument quelques incendies assez violents – singulièrement en montrant que l’homme n’est pas au centre de lui-même, mais hors de lui-même.
Mais les corrélats philosophiques de son travail – que Lacan les signale de loin ou que d’autres en prennent le soin – restent toujours soumis aux leçons du métier.
Ce que confirme la forme de son enseignement. Le public auquel il s’est adressé, dix années durant, à Sainte-Anne, était de médecins. Il leur donnait à partager son expérience quotidienne de praticien et le texte de ses séminaires était ensuite, légitimement, publié dans des revues ou des ouvrages scientifiques.
Or, aujourd’hui, ces mêmes leçons, soutenues de brèves notices, sont éditées en un gros volume par les soins d’un éditeur non spécialisé, le Seuil. Un public nouveau se trouve de la sorte désigné et qui réclame une nouvelle lecture.
Gille Lapouge : Lacan ne part pas de notions générales, mais de ses rencontres avec le réel.
Jacques Lacan : Je n’ai jamais rien fait, explique le docteur Lacan,pour conquérir une autre audience que celle de Sainte-Anne. Mais ce que j’y enseignais à fini par remettre en question les notions reçues de l’inconscient, ce qui modifiait du même coup le sujet de la connaissance". En effet, si le sujet n’est plus un simple corrélatif de l’acte de connaître, mais si lui-même échappe à lui-même au niveau où il parle, cela remet en question les bases mêmes de l’enseignement où la psychanalyse s’articule.
Il s’est produit ceci : de-ci de-là, des gens venaient à Sainte-Anne et puis ils s’en allaient et ils répercutaient ce qu’ils avaient entendu un peu partout jusqu’au États-Unis.
Je vous avoue que cette exploitation je l’ignorais, je l’ignorais réellement. Il a fallu qu’une crise éclate, il y a quelques années, et que je transporte mon enseignement de Sainte-Anne à l’École Normale pour que je m’aperçoive qu’on savait ce que j’enseignais.
Je peux donc dire que ce virage, accompli par mon enseignement, n’a pas été pour rien dans un virage beaucoup plus large.
Comprenez bien : cette exploitation ne m’eût pas incommodé personnellement, mais elle présentait de grands dangers.
Des interprétations aberrantes pouvaient suivre. Le mot « signifiant », par exemple que l’on trouve aujourd’hui sous toutes les plumes, on peut en faire un usage boiteux.
J’ai donc voulu – et c’est la raison de ce livre – marquer des jalons de ce qui, dans mon enseignement, peut être nécessaire.
Je me bats depuis des années pour interdire qu’on altère le sens de Freud. Et voici que je dois prendre les mêmes précautions pour moi-même.
Disons que j’installe des barrières contre les commentaires abusifs.
Un exemple : mon travail n’a rien à faire, vraiment rien, avec le vrai détournement que certains en ont opéré à des fins « d’herméneutique » religieuse.
Mais aucune espèce d’action ne peut prétendre à une autonomie parfaite. Georges Bataille, Merleau-Ponty m’avaient souvent engagé à publier mes leçons. C’est après qu’ils nous ont quittés, vous voyez que je cède à leur avis. Tel quel, en tout cas, ce livre forme un appareil critique assez rude pour empêcher des utilisations malhonnêtes.
Gille Lapouge :On ne contredira pas Jacques Lacan sur ce point. La rudesse de son ouvrage n’est pas à nier. Il n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’honnête homme, vaguement barbouillé de notions sur le « ça », le « surmoi » et le « transfert », nomme psychanalyse et qui s’apparente plutôt à la psychologie ou à la psychothérapie.
Jacques Lacan : On n’entre pas dans Écrits comme dans un moulin et il faut « payer le prix ». On peine, on souffle, on avance, on se traîne, on peste un peu, on croit qu’on a gagné et c’est qu’on a perdu, on surnage ou l’on coule. On abandonne ou bien on insiste. Je le sais, je parle d’expérience, j’en sors ou, plutôt, je n’en suis pas encore sorti. Pourtant, si cet ouvrage est difficile, il n’est jamais obscur. Et cette difficulté gouvernée obéit à certains desseins bien précis.
Gille Lapouge :Catachrèses et synecdoques, litotes, hyperbates et métonymies, métaphores, rien de ce qui est rhétorique n’est étranger à Jacques Lacan, qui, pour faire bonne mesure, utilise aussi le graphe, les notions de la mathématique bourbakienne et des élégances de langages bien proche du gongorisme. Certains de ses critiques y voient une coquetterie et il faut accepter que Jacques Lacan s’expose, en effet, à ce reproche. Après tout, si ces choses là le peinent, il n’a à s’en prendre qu’à lui-même. Mais il faut livrer ici un exemple, que nous choisissons au hasard, dans un passage fort simple, avec un grain de malice, pourtant, puisque nous détachons une phrase de son ensemble, ce qui est inacceptable, dans Lacan :
Au moins, écrit-il par exemple, pouvons-nous nous contenter de ce que tant qu’une trace durera de ce que nous avons instauré il y aura du psychanalyste à répondre à certaines urgences subjectives, si les qualifier de l’article défini était trop dire ou bien encore trop désirer.
On pressent que ce labyrinthe verbal a sa nécessité et que la peine imposée au lecteur fait intimement partie du motif de l’auteur.
Si le style de Lacan est taillé dans des miroirs, si ses avenues sont compliquées et si les figures de la rhétorique l’augmentent de leur espace ambigu, c’est peut-être qu’il engage déjà une certaine manière de lire – donc d’être – et qu’il commande une pédagogie.
Jacques Lacan : Disons que tout est organisé pour interdire que ces textes soient lus en diagonale. Ce sont les textes de mes leçons, mais soumis aux lois de l’écrit, qui sont essentiellement distinctes de celle du parlé.
Notez que je me suis abstenu de toute vanité d’appareil – encore que cela eût pu n’être pas vain. Personne ne grince des dents quand les mathématiciens utilisent un certain appareil formel.
L’équivalent eût pu se concevoir pour ce livre.
Eh bien, l’équivalent, c’est ce que l’on appelle mon style.
Vous parlez d’une volonté pédagogique.
Je ne repousse pas l’expression, même si je préfère parler d’une valeur de formation. Ce que je refusais, en tout cas, c’était de livrer cette sorte de chose que l’on appelle l’illusion de la compréhension.
J’essaie d’obvier à son penchant naturel et fort triste : croire qu’on a compris parce qu’une pensée est claire et, bien sûr, avoir compris de travers.
Et remarquez que je rencontrais ainsi, très précisément, l’obstacle originel auquel je m’étais heurté.
A Sainte-Anne, je parlais pour des médecins. Or les esprits des médecins, que voulez-vous, ils ne sont pas tout à fait préparés à s’ouvrir à la linguistique. Comment en irait-il autrement ? On leur a toujours rebattu les oreilles avec l’insignifiance du langage. On leur a appris à distinguer la « paille des mots et le grain des choses » et ils savent que « scripta manent » alors que « verba volant ». Il fallait donc les ouvrir à une dimension nouvelle, celle du langage, et cela demande un certain style, des voies extraordinaires de formation.
Gille Lapouge : On dira que c’est là provoquer des colères. À quoi Lacan nous rétorquerait probablement que peu lui en chaut, pourvu qu’il fasse barrage aux malentendus.
De même qu’il ne craint jamais d’étriller les psychothérapeutes qui ont mutilé la vérité de Freud, de même il ne redoute pas de s’exposer à toutes critiques. Lesquelles ne sont pas formulées par les seuls praticiens dérangés dans leur confort intellectuel. Elles émanent aussi de certains milieux philosophiques ou littéraires. Ce que je fais remarquer à Jacques Lacan. Et j’ajoute : « Jean François Revel, par exemple. »
Jacques Lacan : Ah,Revel objecte ? Dans Pourquoi les philosophes ?
Gille Lapouge : Dans pourquoi les philosophes, et dans La Cabale des dévots.
Jacques Lacan : Je serais donc un dévot ?
Gille Lapouge : Le docteur Lacan rit avec, vraiment, beaucoup de gentillesse.
Jacques Lacan : Puisqu’il est question de Revel, vous souvenez-vous du slogan qui figurait, si je ne me trompe, sur la bande de son premier livre ? Il disait ceci : « Vous ne les comprenez pas, c’est vous qui avez raison ».
Il y a toujours quelque chose de drôle à voir s’avouer la vérité, la vérité du livre s’étalait sur la couverture : un chèque en blanc tiré sur l’ignorance.
D’ailleurs, pourquoi attaquer seulement Heidegger, Merleau-Ponty, voire me chercher dans les réponses incomplètes de la pâte lourde que j’essayais de soulever alors, quand Spinoza et Leibniz ne s’offrent pas plus aisément à la consommation de l’ « honnête homme », aux préjugés du bourgeois « cultivé ».
Succès de l’entreprise ; aujourd’hui, on serine : « Vous ne les comprenez pas, c’est vous qui avez tort ». Ce qui n’arrange rien puisqu’on ne saute pas en se jouant le "pas-de-savoir".
Mais il y a davantage. Il y a Sartre, et nous devons dire un mot de ce débat qui fait tumulte dans la presse et qui oppose l’existentialisme au structuralisme.
Polémique absurde à bien des égards : elle laisse imaginer que le structuralisme est né armé de pied en cap, un beau matin, par exemple le 17 octobre ou le 3 novembre, alors que ce système s’est lentement formé dans les années. Quoi qu’il en soit, puisque la presse s’éveille en sursaut, il faut bien parler de cette bataille et passer la revue des troupes telle qu’on la présente : d’un côté Jean-Paul Sartre et ses fidèles. De l’autre, une sorte de bataillon structuraliste sous les ordres de quatre capitaines : un ethnologue (Lévi-Strauss), un marxiste (Althusser), un philosophe (Michel Foucault), un psychanalyste (Lacan). Et Jean-Paul Sartre, requis par la revue L’Arc de dire ce qu’il pensait du structuralisme, a lancé quelques beaux coups de patte à droite et à gauche.
Jacques Lacan : Oui, j’ai lu le texte de Sartre dans L’Arc.
Gilles Lapouge : Lacan réfléchit. On dirait qu’il ne tient pas à répondre.
Jacques Lacan : Écoutez, dans le dernier numéro de cette revue – dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est fort médiocre et, quant à sa portée théorique, nul – j’ai lu cette interview de Sartre, qui me paraît avoir été mal orientée d’entrée de jeu par les questions qu’on lui a posées, et par ce qui donnait à cette publication son objet : réagir contre une prétendue réaction anti-sartrienne.
J’ai peine à croire que l’opération vise à donner à Sartre un regain d’actualité.
Sartre, reste, en effet, le représentant le plus populaire de la pensée française. Mais de là à poser que ce qui n’est pas sartrien se définit d’abord par le fait de n’être pas sartrien, il y a de la marge.
Quant à ces capitaines, comme vous dites, ils ne sont pas embarqués sur le même bateau, et ils ne tiennent pas le même cap.
Lévi-Strauss, que je connais bien, ne s’intéresse pas tellement à la psychanalyse.
J’ai trouvé Althusser très éveillé à mes travaux, très « éveilleur » autour de lui, je crois qu’on peut tenir pour définitif le découpage qu’il donne de la pensée de Marx, mais qui va croire que nous nous concertions ?
Quant à Foucault, il suit ce que je fais, et j’aime ses travaux, mais je ne le vois pas très concerné par la position de Freud. Alors, entre ces quatre personnes, le lien ?
Gille Lapouge : Écoutez, dans le dernier numéro de cette revue – dont le moins qu’on puisse dire ce que l’on appelle le structuralisme.
Jacques Lacan : Je vous accorde que le mot structuralisme garde un sens pour nous grouper vaguement, mais, déjà ce n’est plus vrai pour le mot structure.
La structure n’a pas la même signification pour chacun.
Ainsi, pour moi, le mot structure désigne exactement l’incidence du langage comme tel dans ce champ phénoménal qui peut être groupé sous la rubrique de ce qui est analysable au sens analytique.
Je précise : dans le champ de ma recherche, dire « structuré comme un langage », c’est un pléonasme.
Gille Lapouge : Sartre vous adresse certaines critiques plus précises : « chez Lacan, la disparition ou le « décentrement » du sujet est lié au discrédit de l’histoire » …
Jacques Lacan : C’est cela. Toute la philosophie de Sartre veut que le sujet et la conscience soient indissolublement liés.
Or, dans Freud, cette liaison est rompue. Chez lui, ce n’est pas d’une subconscience qu’il est question, non plus que d’une préconscience.
Non, l’inconscient est posé comme barré de la conscience.
L’inconscient, n’est pas du même ordre que la conscience, n’a pas accès, hors de circonstances forcées à la conscience.
Les objections de Sartre ne s’adressent pas du tout à moi seul, mais aussi bien à Freud. En vérité, pour la raison que je vous disais plus haut, Sartre n’a jamais voulu s’intéresser à la vraie psychanalyse de Freud.
Gille Lapouge : Il a pourtant donné de belles analyses de ce qu’on pourrait appeler les profondeurs, ou les dessous de la conscience ?
Jacques Lacan : De très brillantes analyses, oui.
Dans L’Être et le Néant, il trace une phénoménologie de la passion sadique extraordinairement séduisante, au point qu’il parvient à nous en faire saisir tous les ressorts.
Seulement, voilà : aussi fascinantes soient-elles, ces analyses ne sont pas exactes.
Un simple médecin qui connaît des cas de sadisme sait bien que rien ne se passe comme dans l’exposé de Sartre.
Le texte de Sartre est très brillant, ses dons littéraires éclatants, sa machine marche, c’est vrai, mais, dans ce cas là au moins elle ne mord pas. Or c’est cela qui importe, n’est-ce pas ?
Nous ne sommes pas des philosophes, mais des cliniciens. Ce que je dis à mes élèves, combien de fois l’on t-ils recueilli, le matin même de la bouche de leurs malades ?
Gille Lapouge : Sartre vous reproche aussi un refus résolu de l’histoire.
Jacques Lacan : Voyons, même Lévi-Strauss, quoi que l’on en dise, ne refuse pas du tout l’histoire.
Ce qu’il refuse, c’est la dialectique de l’histoire.
Les gens font une opposition grossière entre la structure, qui serait synchronique, donc hors de l’histoire, et la dialectique, qui serait diachronique, plongée dans le temps.
Mais c’est inexact. Reprenez, dans mon ouvrage le texte que l’on appelle Le discours de Rome et vous mesurerez l’importance que j’accorde à l’histoire, au point qu’elle me paraît coextensive au registre de l’inconscient.
L’inconscient est histoire. Le vécu est marqué d’une historicité première. Tout cela est écrit, noir sur blanc, dans mon livre. Moi, je lis les livres de Sartre, il est probable que Sartre ne m’a pas vraiment lu.
Gille Lapouge : Bien des personnes tentent de vous opposer à Sartre.
Lacan sourit :
Jacques Lacan : On voudrait que je sois une espèce de successeur de Sartre !
Laissez-moi vous dire que c’est là se faire une plaisante idée de ce qui peut m’intéresser.
Sartre a eu une certaine fonction très précise, qu’on peut « cuber » mais qui n’a aucun rapport avec les travaux que je mène.
Sartre est plus jeune que moi et j’ai suivi avec beaucoup de sympathie et d’intérêt son ascension. Mais je ne me suis jamais situé, je ne me situe pas du tout par rapport à lui.
Gille Lapouge : Retour vers les problèmes plus directement liés à la recherche de Lacan : la psychanalyse et la formation des psychanalystes. Son ouvrage revient fréquemment sur ces thèmes. Il y dénonce l’insuffisance des méthodes de formation actuelle, auxquelles il faudrait ajouter bien d’autres chapitres : les disciplines linguistiques et historiques, aussi bien que l’histoire des religions et des mythes, les mathématiques modernes ou… les mots croisés.
Jacques Lacan : La formation des psychanalystes se heurte à de bonnes habitudes de paresse. En vérité toutes les résistances que je rencontre auprès des psychanalystes sont des résistances à Freud.
Sans le dire clairement bien des praticiens pensent : « Freud, c’est dépassé, nous autres, psychothérapeutes, nous le savons bien » Or, dans son essence, la psychanalyse ne peut être réduite à la psychothérapie.
C’est pourquoi la formation du psychanalyste exige aussi de rompre avec un certain nombres d’idées qui sont profondément ancrées : il faut prendre congé d’une certaine idée que nous nous faisons du sujet. Or cela demande, il faut le reconnaître une certaine discipline.
Il faut donc en revenir à des évidences massives et dire que la psychanalyse, dans son essence, ne se réalise que dans la transmission du psychanalyste au psychanalysé aux fins de psychanalyse, le reste devant être considéré comme simples branchements latéraux.
Les psychothérapies de soutien, par exemple, si fort à la mode, n’ont rien à faire avec la psychanalyse.
Ou bien la psychanalyse se transmettra, dans sa fidélité ombrageuse à Freud, ou bien elle se réduira à l’action des psychothérapeutes qui, dans l’ensemble de la thérapeutique psychiatrique, n’auront pas plus d’importance que des maîtres-nageurs un peu supérieurs.
Gille Lapouge : Et, élargissant soudain ses thèmes :
Jacques Lacan : L’urgence maintenant, c’est de situer la psychanalyse comme science.
La psychanalyse est une pratique mais ce n’est pas qu’une technique.
Or aucune pratique curative ne constitue une science.
Même la médecine n’est pas une science, mais un art (c’est même de l’oublier qu’elle en est là où vous savez).
La psychanalyse, elle, doit assurer sa place, très à part dans le champ scientifique. Il faut qu’elle possède son statut épistémologique.
Là, je soutiens que la psychanalyse est impensable avant la naissance, au dix-septième siècle, de la science, au sens moderne, sens qui le pose comme absolu.
Car le corrélat de la science, c’est la position cartésienne du sujet, qui a pour effet d’annuler les profondeurs de la subjectivité.
Souvenez-vous que Freud n’a pas hésité à rompre avec Jung lorsque celui-ci a tenté de les restaurer dans la psychanalyse.
La psychanalyse ne pouvait seulement se concevoir avant la science. Vous entendrez des gens vous expliquez gravement que Freud a été empêtré dans son scientisme : ce qui est une sottise.
Non seulement son scientisme ne l’a pas gêné, mais il était absolument nécessaire qu’il fût un scientiste. Comme il est aujourd’hui nécessaire que la psychanalyse se constitue en science.
Gille Lapouge : On interrompra ce long dialogue. Maintenant le livre de Lacan chemine à la rencontre de son public, en même temps qu’une nouvelle phase s’ouvre de l’aventure intellectuelle engagée voici trente années. Puissent ces notes établir ce gros livre en son lieu, comme elles disent que l’effort exigé du lecteur n’est pas vain.
L’ouvrage de Lacan nous concerne tous. Il désigne les archives de cette vérité que chacun de nous recèle en lui-même, les chroniques perdues où l’histoire de l’autre, que nous sommes à nous-mêmes, parle dans un langage incessamment dérobé.
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