De la Métaphore des Symptômes à la Structure, ou de Dora à Joyce.
QUEL CORPS ?
Jacques Leibowitch, Juin 1982
Psyché parle-t-elle à Soma, et si oui par quelles voies ?
Plus simplement posée, puisqu’il apparaît que le corps souffre des productions de l’esprit, constatation sans doute aussi vieille que le monde parlant, la question est celle de la représentation que l’on peut donner des phénomènes psycho-somatiques.
Les psychanalo-linguistes tentent la réunion du parlé au corps, cherchant les signes de l’inscription de celui-là dans celui-ci au travers des phénomènes morbides.
Question de méthode oblige, de quel corps parle-t-on ?
Le corps anatomique sous-entendu des constructions physio-pathologiques les plus répandues dans la médecine-psycho-somatique, ce corps anatomique pris pour le corps « vrai » depuis la Naissance de la Clinique, par opposition au corps des chimères et des humeurs, ce corps anatomique essentiel à la phraséologie psycho-somatique, ce corps anatomique qui se prête si bien à la coupure psyché-soma, ce corps là n’est qu’un corps historique, pas plus « vrai », qu’un autre (cf plus loin).
S’il existait une autre représentation du corps faisant figurer, ou entendre, une unité englobant cette fois, et sans coupures, psyché dans soma et réciproquement, on verrait (c’est une tautologie) cette dichotomie s’évanouir. Et avec elle, toutes les métaphysiques obscures et confuses d’une psyché éternelle parlant à et dans un corps mortel.
Il se trouve que le corps de la nouvelle science, vient proposer des modèles de représentation du corps succédant au corps de l’anatomo-clinique du XIXe siècle. C’est du côté des biologies cellulaires et moléculaires, que se représentent ces corps là. On y voit alors très simplement comment psyché, ensemble moléculaire à différenciation et à fonctions propres, ne peut pas être séparé de soma.
L’errance des psycho somaticiens fussent-ils des psychanalystes linguisés, n’aura tenu qu’à une faute épistémologique fondamentale : prendre le corps de la science clinique du XIXe siècle pour le corps vrai, et reproduire la même erreur sur le corps de la biologie moléculaire. Ce sont ces points que je vais essayer de soutenir.
I.La science, le réel et l’opératoire :
la médecine occidentale s’est installée et pour un temps durable, sur les tabourets de la science. A droite ou à gauche de la biologie. Ce point qui est une évidence existentielle est en fait une histoire de toujours.
Avant de parler du corps biologique il faudrait rappeler quelques postulats épistémologiques concernant la science en générale et la biologie en particulier puisqu’il a été question du discours scientifique et de la structure.
a)La science ne sait pas ce qu’est la « vérité » même si elle peut dire quelque chose sur le probable ou sur le possible.
La science ne sait pas vraiment ce qu’est le « réel » même si elle voudrait bien en cerner un bout. La science n’a jamais ignoré qu’elle ne proposait qu’une représentation du réel sous des formes symboliques, évolutives dans l’histoire ; le bout du réel qu’elle paraît cerner n’est que celui qui se profile au bout de la lunette de la théorie et des instrument du moment, lesquel(le)s nous en donnent une IMAGE. Le propos de la science dit François Jacob est ; « d’articuler ce qu’on observe sur ce qu’on imagine ».
La science est profondément dans l’imaginaire.
L’une des règles épistémiques qui différencie la théorisation scientifique de l’imaginaire mythique c’est la constance avec laquelle la théorie scientifique après avoir énoncé des lois qui cernent un bout du réel, retourne, elle, dans le brouet de réel ainsi concoté au risque accepté de s’y faire cuire si elle s’est trompée. De plus, la valeur d’une théorie ne se mesurant en bonne science qu’à l’aune des productions qui en naissent, c’est à dire de son efficacité à produire de l’effet, la valeur heuristique d’une théorie c’est sa productivité. Qui dit productivité, dit compétition et en matière de théorie scientifique, c’est : que la plus productive gagne.
2. Quand on parle aujourd’hui du cancer, on dit chez les biologistes que le concept de Néo serait à remplacer par celui d’Archéo puisque la dédifférenciation de la cellule cancéreuse se marque moins de l’apparition de nouveaux caractères que de l’expression de caractères embryonnaires : pour la biologie moléculaire, ces comportements résultent de la réactivation de segments de DNA qui avaient été fonctionnels lors de la maturation ontogénique des cellules en question et qui depuis leur maturité n’était plus exprimés. De l’étrange Néo on est passé à la retrouvaille familière de l’archaïque ontogénique. Un vieux bout d’mouah, pouah, ou encore, mon archéo, enfin…
Autre glissement - quelques années avant le glissement-lapin, il s’agissait de la glisse du sens faisant chorus sous la chaîne vibrante des signifiants : glisse, passer en douceur de l’un-réseau à l’autre - le cancer, l’étranger, l’aberrant, on lui faisait comme tel durement la guerre, avec des interventions de type bombardement focalisant (les immunotoxines ou exocèts immunologiques), soulèvement subversifs des propres cellules du sujet cancéreux, cellules tueuses de la tribus des macrophages méo-piranas qui devraient cannibaliser la tumeur sous l’effet des immuno-adjuvants, jusqu’à la pleine panoplie chirurgicale (chirurgiens et militaires ont toujours eu des discours communs) du style : on ouvre, on réduit, on nettoie et on s’en va. Et bien on ne tue plus le cancer, on le rééduque. On le rééduque en stimulant la différenciation de la cellule cancéreuse qui paraît être arrêtée, figée obstinément à un stade relativement précoce de la différenciation ; on a pu dans certains cas tout récemment faire parvenir à la surface de la cellule cancéreuse des signaux significatifs l’incitant à poursuivre sa différenciation et éventuellement à perdre son caractère « immortel ». L’arrêt de maturation des cellules cancéreuses est considéré comme résultant de perturbations dans la machinerie génétique induites, directement ou indirectement, par des virus oncogènes avalée de travers et « bloquant » cette machinerie génétique, voire, pourquoi pas, plus en amont, d’un retour de signifiant ayant entrainé une pluie de corps chimiques endogènes modifiant dans le sens procarcinogène l’état métabolique général et de son appareil nucléaire.
Cette description de la rééducation d’une cellule cancéreuse pourrait être prise pour le « vrai ». Mais seul un fou ou un pervers pourrait croire ou faire croire que cela est véritablement vrai. L’honnète homme dira que c’est opératoire.
b)Le DNA :
le DNA dans les 20 dernières années était considéré de loin et en gros, comme la structure permanente, le référent de la personne, quastiment immuable sauf accident appelé mutation, le registre contenant des écrits de la Loi biologique y compris celle propre à l’individu qui la transmettait de père ou de mère en fils ou en fille. Depuis quelques années on apprend avec une certaine stupeur, que le DNA est aussi pénétrable que le gruyère, que l’on peut lui faire entrer facilement des bouts de messages nouveaux (DNA recombinant), que l’évolution n’a pas cessé d’avoir une telle pratique sous la forme d’insertion de fragments de DNA venus d’ailleurs : par exemple des bouts de souris dans les séquences nucléotidiques du singe. Les vecteurs de cette translation historique bien repérable aujourd’hui sont des virus dit Rétro. Pas du fait de la mode mais de leur équipement enzymatique qui leur donnent des moyens chimiques de rentrer dans le DNA du voisin.
Les conséquences conceptuelles de cette trouvaille sont incroyablement « subversives » :
• l’inviolable DNA est la fille-à-tout-le-monde
• le référent de la personnalité apparaît comme un véritable bric-à-brac historique ; une personnalité certes, mais depuis et pour combien de temps ?
• la transmission héréditaire au niveau d’une cellule de caractère acquis au cours de son existence est tout à fait possible, en bonne et officielle science.
La transmission héréditaire des caractères acquis est une idée qui depuis l’affaire Lyssenko sent le goulag.
Le dogme contraire et démocratique stipulait que chez un individu donné seuls les caractères déjà inscrits dans le répertoire génétique s’exprimaient même si leur expression en était cachée jusqu’à ce qu’interviennent des éléments extérieurs de sélection venant activer le fragment génétique jusque là non exprimé. Et encore François Jacob 1981 : « Pour la biologie moderne, aucun mécanisme moléculaire ne permet d’imprimer directement dans le DNA des instructions venues du milieu, directement c’est à dire sans les détours de la Sélection Naturelle.
L’hérédité des caractères acquis a disparu du monde que la biologie a dessiné. Les rétrovirus et d’autres virus sont venus fracturer cet opératoire, tranquille mais provisoire, et inscrire la transmission héréditaire des caractères acquis dans l’univers officiel de la science.
Ainsi, la biologie savantge procède localement et par étape : elle fragmente dans l’espace et le temps la représentation qu’elle donne du monde. C’est la base même de son épistémologie. Et entre les fragments persistent des brèches immenses.
La cohérence universelle et monolithique de la Science est une notion de croyants ou une usurpation de Puissants. La stabilité apparente, quelquefois écrasante, des paradigmes, notamment en Médecine, ne sont en réalité qu’un effet de Pouvoir et d’Ordre.
Diafoirus et ses amis Sorbonnards dont le drappé noir couvre magistralement le ridicule de leur impuissance, ne sont pas des hommes de science. Ce sont les clowns d’une charge héritée ou achetée.
La science elle, n’est pas totalitaire, ses béances et ses étirements le prouvent. La science est démocratique, elle prévoit et demande l’alternance. Prendre le corps proposé par la science à un moment ponctuel et conjoncturel où les instruments qu’elle invente et qu’elle utilise permettent cette proposition, prendre ce corps opératoire pour le corps « vrai » c’est montrer son ignorance ou sa pédanterie.
II.Fin de la clinique du corps-à-voir : le corps des systèmes ou le crescendo vers la clinique acoustique.
Le corps de l’anatomie et celui de l’anatomo-clinique, celui dont parlent encore les psycho-somaticiens d’aujourd’hui, ce corps est un instrument conceptuel vieillissant.
Corps des organes et corps des lésions, il sent la poussière des chaires professorales qui n’en finissent pas de ne pas mourir.
En effet, ce corps là n’est plus un si bon instrument pour découper dans la nosologie morbide.
Ce corps organique spécialisé est par exemple incapable de soutenir la dissertation sur la carcinogénèse, les maladies vasculaires, les déficits et autres maladies dysimmunitaires, les maladies à agents microbiens persistant, et bien sûr, la dépression nerveuse et les psychoses.
C’est donc d’autres représentations du corps qu’il faut inventer pour toutes ces maladies.
La biologie cellulaire et la biologie moléculaire, sont au travail depuis déjà 20 ans, et la médecine trouve dans ces disciplines, de quoi mieux affronter les dites maladies in ou peu curables, et c’est bien naturel qu’elle s’intéresse à ces disciplines, question de pouvoir continuer à remplir à peu près son contrat (cf plus loin, le contrat médical).
Ainsi, après le corps de la clinique-à-voir, celui de l’anatomo-clinique des découpeurs de cadavres du siècle dernier, la biologie propose à la médecine un corps des systèmes avec leur physiologie moléculaire, leurs rythmes leurs histoires, leurs écologies.
Ce corps biologique serait à la limite plus facile à formaliser dans l’entendre que dans le voir.
A titre d’exemple voici le titre d’un séminaire annoncé pour septembre 1982 : « une nouvelle technique de visualisation en hématologie-cancérologie de la résonnance de SPIN ».
En effet, les molécules qui soutiennent le corps biologique sont des êtres sémantiques, des formes mouvementées et en mouvements, des nuages électronico-atomiques dynamisés qu’il n’est pas simple de « voir » et qu’on interrogerait mieux avec des instruments acoustiques (cf le microscope acoustique).
La biologie propose donc d’organiser le corps moins en organe qu’en système, système cardio-vasculaire, système nerveux, système immunitaire, substituant à l’anatomie statufiée la dynamique biologique des fonctions.
Ces systèmes sont des ensembles ouverts au sens des thermodynamiciens : ils ne fonctionnent et ne subsistent que grâce à un flux constant de matières, d’énergie et d’informations.
A l’intérieur d’un système, les éléments qui le constituent sont fortement connectés entr’eux et tout impact sur l’un d’eux peut mettre en branle l’ensemble ou une partie de l’ensemble, propriété inscrite dans la définition formelle d’un système.
Un exemple : le système immunitaire.
C’est un système (donc « relationnel »), discriminatif : nous allons en survoler les propriétés.
Relationnel, il l’est dans la mesure où il ne fonctionne à plein que dans la rencontre avec des structures dites antigènes (qui gèrent de l’anti, c’est à dire qui donnent lieu à productions de la part du système). Les structures-antigènes sont des formes électronico-atomiques plus ou moins « étranges ».
Discriminatif, parce qu’il peut reconnaître une à une les structures électronico-atomiques des différents antigènes.
Le nombre de structures qu’il peut ainsi reconnaître serait de l’ordre de centaines de millions sinon milliards .
Pour cette reconnaissance particulière dite « spécifique » , les cellules du système utilisent des structures, électronico-atomiques, qui se présentent comme des copies inverséés et déformées de celles de l’antigène.
Le répertoire de ces structures de reconnaissance est donc très vaste ce qui donne au système immunitaire son apparence prométhéenne, en ce qu’il paraît capable de faire face et de se combiner à ce qu’il n’aura jamais encore rencontré.
Les procédures du système : les réponses immunitaires.
Les réponses du système immunitaire à une stimulation antigénique sont le fait de cellules effectrices spécialisées et, ou, de leurs produits de sécrétion. Les médiateurs de ces réponses ont pour nom anticorps, lymphokines et cellules cyto-toxiques, pour en nommer quelques uns.
Comment est organisé le système ?
1.Les réseaux immunitaires :
le SI est structuré comme une série de mini réseaux circulaires dont chaque élément cellulaire est soumis à influence réciproque selon une signalétique de type fondamentalement complémentaire :
un corps (ab1) reconnaissant un antigène X (ou a) suscite l’apparition d’un auto-anticorps (ab2) reconnaissant le site anticorps ab1 ; ab2 suscite l’auto anti-anticorps ab3 , lequel suscite ab4 … jusque ab9 démontré pour certains systèmes.
2. Métonymie dans les réseaux :
la spécificité de l’anticorps ab4 par exemple, pour ab5 n’est pas absolue ; ab4 peut aussi reconnaître un des éléments d’un autre mini réseau comme dans le schéma suivant :
D’où apparaît une certaine « dégénérescence » de la spécificité anticorps dans les mailles d’un mini réseau donné, ce qui permet le passage d’un mini réseau à un autre, et de fait, l’apparition d’anticorps « non spécifiques » c’est à dire ne reconnaissant pas l’antigène X introduit dans l’organisme.
Il y a donc là les bases « moléculaires » d’un glissement d’un objet « a » à un objet « b ». Si on pousse la métaphore, on peut dire qu’il y a de la métonymie dans le réseau, au sens linguistique du terme. Et puisque ça ne parle pas, bien que ça fasse sans doute du bruit, de la méto-phonie (et puisqu’on parle encore de formes de la méto-morphie).
3. Le système des images internes où le système immunitaire apparaît comme un système ludique ou c’est pas parce qu’il y a de l’antigène qu’il n’y aurait pas de plaisir :
Les antigènes du monde extérieur (l’univers des non-soi) ont leur représentation interne au sein du SI sous la forme même des sites anticorps : ainsi ab2 de notre modèle schématique a dans son site anticorps la forme d’une partie de l’antigène X. La configuration à trois dimensions des sites anticorps reproduit à l’ « intérieur » les formes décomposées de l’univers « extérieur ». C’est le monde de Galilée à l’envers ; le système immunitaire d’un individu développe en son centre des images internes des antigènes, images partielles. Et ceci avant d’avoir jamais rencontré les dits antigènes.
En effet, le système des minis réseaux circulaires s’élabore essentiellement de « lui même » au cours de l’ontogénèse, et n’est donc pas à proprement parlé suscité par l’antigène mais amplifiée et diversifiée par sa présence : cette diversification des anticorps se produit de la façon suivante : la rencontre avec l’objet-antigène suscite la mutiplication des cellules immunitaires ; au cours des divisions des cellules qui se multiplient surviennent « des mutations somatiques » c’est à dire des recombinaisons, des réarrangements « imprévus » au sein du DNA des cellules immunitaires en multiplication.
Il est essentiel à la théorie même de ce système de postuler qu’il s’auto-entretient dans les moments où il n’est pas confronté à l’antigène. Cet auto-entretien (les cellules du système immunitaire « jouent » avec elles-mêmes selon les boucles figurées sur le schéma) propose une analogie frappante au système du jeu d’une part, et au système des rèves d’autre part. Comme ce sont des images internes des structures du monde extérieur qui sont produites au cours de cet auto-entretient qu’on pourrait dire ludique …
4.L’apprentissage du soi immunologique par les cellules immunitaires :
Le système des minis réseaux fournit un exemple du concept d’auto reconnaissance nécessaire au bon fonctionnement et au bon entretien du système immunitaire. Dans le même sens, on sait maintenant que les cellules du système, pour pouvoir « répondre » aux composés « non soi » (les antigènes), doivent reconnaître une structure « du soi » en temps que celle de l’antigène. Cette structure self est une molécule exprimée par une région du DNA qui code en effet pour des protéines qui sont opératoirement marqueurs du « soi », ces marqueurs étant définis expérimentalement comme suscitant (non self) ou ne suscitant pas (self) le rejet d’une greffe tissulaire.
La reconnaissance de cette structure self par le SI est d’ordre « éducationnel » où le système d’un individu apprendra littéralement à reconnaître cette structure comme self au cours de sa formation ontogénique in utero. C’est ce qu’indique les expériences de « tromperie » où le système immunitaire d’un individu peut apprendre à se « prendre pour un autre » si on lui offre comme tuteur des structures de cet autre au cours de sa formation … Il y a en effet dans le répertoire génomique de l’espèce de quoi produire les molécules de reconnaissance des structures-tuteurs de toute l’espèce. La rencontre de ces structures tuteurs par des cellules immatures suscite une activation sélective des segments de répertoire génomique codant pour des structures complémentaires de celles des cellules tuteurs.
5. Le système immunitaire est intégré et influencé ou c’est pas par hasard si la cervelle et le riz-de-veau ont un arrière goût commun.
La notion de système biologique, immunitaire ou autre, n’est évidemment qu’une abstraction didactique, puisque les systèmes biologiques ne sont pas posés dans un corps sans frontière ni espace, et qu’ils n’existent pas isolément dans l’organisme. Le système immunitaire est de fait soumis à l’influence non seulement du monde extérieur (et c’est l’aspect proprement relationnel du système) mais aussi des systèmes hormonaux endogènes tels ceux de l’axe rhinencephalo hypothalamo-antéhypophysaire et leurs productions périphériques, et donc du système nerveux avec lequel le SI a de profondes homologies de développement, de fonctionnement, et de structures (le riz-de-veau est le nom comestible du thymus, organe central du système immunitaire).
6. L’éthique et le path-éthique du système immunitaire en action.
Les effecteurs anticorps et les cellules cyto-toxiques se combinent, se lient spécifiquement à leurs amplificateurs antigéniques propres.
De cette liaison à un agent non soi introduit dans l’organisme peut résulter une grande variété d’effets.
Traditionnellement l’anticorps « élimine » l’antigène ou le neutralise.
Ces effets, « bénéfiques » lorsqu’il s’agit d’une substance ou d’un germe nocif, confère au système immunitaire sa vocation défensive historique et rend compte de « l’aura » de bienveillance que recouvre le vocable immunité.
Mais il arrive que la réponse immunitaire aussi neutralisante qu’elle puisse être, n’en est pas pour autant anodine pour l‘individu voire pire que le mal étranger lui-même.
C’est ce qu’on appelle les réactions « d’hyper sensibilité » lesquelles peuvent conduire à l’apparition de faits lésionnels que décrits l’immuno-pathologie.
En outre, le système immunitaire s’il a appris au cours de son ontogénèse intra-utérine à tolérer les constituants de l’organisme dans lequel il se développe, peut être incité à produire des réponses aux conséquences néfastes contre ces mêmes structures : les maladies auto-immunes sont un exemple de la rupture de tolérance du soi, celle-ci étant l’état habituel du système immunitaire vis-à-vis du soi.
Nous donnerons rapidement deux exemples où le corps biologique devient la victime de ses productions propres.
a) l’histoire de l’hépatite virale fulminante des lymphocytes tueurs, et/ou comment les processus naturels sont dépourvus de toute valeur morale (Kant) :
un virus minable se multiplie mollement dans le foie et n’induirait à lui seul aucun dommage significatif. Certains lymphocytes de certains individus ont un « fit » énorme pour le virus. Ces lymphocytes ne sont pas aberrants, ils reconnaissent ce que tous les lymphocytes de l’espèce reconnaissent (les antigènes du virus), seulement ils y vont un peu fort.
Alors qu’il suffirait qu’ils ignorent ce virus, qu’il le lâchent et le laissent tranquille pour faire passer l’organisme dans lequel ils vivent de l’état de mourrant à celui de porteur sain, ces lymphocytes ont de trop fortes affinités pour ce virus, c’est un fait de structure (HLA), et quand ils le repèrent, ils se branchent à mort, à mort du foie. Les lymphocytes ce faisant ne font que leur travail. Ils ont été programmés pour cela, ils butinent, ils rongent, ils tuent, mais rien dans ce qu’ils font n’est aberrant ou pervers. Au contraire, c’est la loi biologique qu’ils appliquent ; le problème c’est que les lymphocytes, comme ils leur manquent justement la parole, sont bien obligés à la lettre de cette loi.
b) la destruction des sacro-iliaques dans une spondylarthrite ankylosante :
un dommage résultat d’une java effreinée entre les lymphocytes d’un sujet de structure HLA particulière, qui règlent un compte qui n’en finit jamais, avec un germe d’origine rectal ou génital, et le « conflit » se joue devant les sacro-iliaques qui sont là par hasard, sur le chemin anatomique (les chaînes lymphatiques) de cette longue embrassade. Et ça chauffe pour elles qui n’en sont pourtant que les spectateurs innocents.
Le bien et le mal, la défense et l’attaque, ce sont là des métaphores signifiantes des sujets parlant. Dans le corps des systèmes et des molécules, le pathologique n’apparaît pas comme une anomalie, puisqu’il n’y a pas de discontinuité illégale perverse du processus biologique « normal ».
La maladie est en fait l’expression désolante pour le sujet parlant de processus biologiques complètement « normaux ». La maladie n’est pas du tout alien, la chose immonde, d’un autre monde, celui des terreurs enfantines et des fantasmes angoissés d’étrangetés. La maladie n’est à la limite même pas un concept biologique. En quoi la médecine biologique a pleinement résussi son coup scientifique. En effet, en biologie comme en science, exit le Sujet. La biologie nous réapprend que la maladie est à inscrire au registre de l’éthique du Sujet et même du path-éthique. Ce n’est pas du regard de la science qu’on peut apercevoir la mal-adie. Ce n’est jamais dire que ce que kant avait énoncé il y a quelques années : on ne peut fonder une éthique sur une science, fusse-t-elle du corps humain.
c) Les effets imaginaires de ces représentations biologiques du corps :
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça découpe, encore et toujours.
C’est une simple nécessité scientifique comme on l’a rappelé.
Mais c’est angoissant.
En effet le corps imaginaire en prendrait un sacré coup si le Sujet de l’Inconscient prenait tout cela à la lettre.
C’est peut être ce qui est arrivé aux psycho-somaticiens.
Ils ont fini par croire que tout cela était vrai. Je vais les imiter pour les besoins de la démonstration qui sera que la biologisation de l’Inconscient n’a aucune valeur heuristique même si l’on fait entrer le signifiant dans le corps biolgoique par la voie conceptuelle de la biologie, fut-elle moléculaire.
1o Parabole : les signifiants et leurs récepteurs :
Le DNA contient les informations nécessaires à l’élaboration chimique de structures moléculaires qu’on appellerait récepteurs à signifiants.
Le signifiant, quelques soit son représenté peut être réduit à une forme acoutisco-sensuelle, par exemple l’acronyme rikoche.
Quelques soient les chemins qu’il emprunterait pour s’y rendre, rikoche finirait par rencontrer le récepteur à signifiant spécifique quelque part du côté du cerveau.
Cette rencontre, selon son époque, son temps par rapport à la maturation des cellules à structures réceptrices de l’individu, et selon les influences de l’environnement perçues ou reçues à cet instant de la rencontre, le rikoche ferait une marque, pour simplifier de type + ou au contraire de type -.
Cette alternative serait déterminée par le type + ou - des cellules porteuses du récepteur reconnaissant le rikoche, le récepteur complémentaire étant du type kiroch à sa surface.
Voici dessinée la mémoire et la sensibilisation signifiante, peut être pour toujours.
A cette incitation spécifique succède une série d’amplification non spécifique partant du rhinencéphale. A cet endroit là ainsi que du côté de l’hypothalamus, lorsque rikoche ou grikoche (parce que la cellule réceptrice n’est pas si précieusement écouteuse que ça) se présentent, se déclenchent une série de déversements amplifiés d’hormones, d’enkephalines, d’endorphines, de catécholamines dans les circuits cérébraux voisins et aussi dans le sang où tout cela va inonder, brancher, secouer des cellules à récepteurs endophiniques catécholaminiques, enkephaliniques … (il se trouve que rikoche n’était pas n’importe quel signifiant puisqu’il y avait une trace de rikoche insérée dans l’histoire du sujet en raison de ses antécédents enfantins).
Et bien il me paraît clair que lorsque ma concierge dit qu’elle a le cœur qui bat fort quand elle reçoit une lettre de sa fille, en dit tout autant que cette longue scientification sur kiroski et le signifiant dans le corps.
Tout simplement parce que cette traduction littérale et anonnante ne produit rien de plus que ce qu’elle énonce.
Et n’a donc aucune valeur heuristique.
2o Parabole : Le parlant est un événement historique né de la sélection naturelle, ou comment inscrire la langue et la topologie de l’inconscient dans une perspective archéo-lacanienne et néo-darwinienne.
« Le langage c’est de l’inconscient, l’inconscient c’est du langage qui échappe au sujet dans sa structure (et c’est là qu’est la fonction du désir ) ».
Ou plus simplement dit, toute ma vie c’est de courir après des choses que je nomme et qui se sauvent.
En termes évolutionnistes, on pourrait d bire que le langage rempli une fonction du genre, lancer la balle un peu plus loin pour aller la chercher et dans le chemin parcouru, fonctionner et donc vivre (et peut être mourir quand on l’a attrapée).
La force vitale ne serait que la force désirante.
Et c’est en quoi le parlant serait une trouvaille phylogénétique extrèmement efficace puisque produisant du désir, lalangue permettrait de continuer à fonctionner pendant qu’on essaie de l‘attraper, elle, la chose énoncée qui se sauve.
Plus encore, disons que si le sujet parlant peut à la fois désirer et éventuellement distancer ses désirs, c’est parce qu’il a un inconscient qui parle, ce qui en retour lui permet de glisser du besoin au désir.
Vu du côté des cavernes et de leur froid glacial, c’est évidemment un avantage.
Pourquoi ces détours paraboliques ?
Pour souligner que dans cette théorisation du corps biologique, on peut même inclure la parole la langue et leurs jaculations
Incidemment, il est remarquable de constater que la science moléculaire puisse retrouver dans les auto-concaténations spontanées du système immunitaire, dans ses enchaînements stochastiques et débordant face à l’antigène, dans les comportements préférentiels de sa maturité, résultantes subtilement diachroniques de développements téléonomiques et d’évènements existentiels, un rappel homologique à la grammaire de l’inconscient-parlant, à cette « logique » de l’inconscient qui au regard du sens de la langue-communication est parfaitement illogique, au rôle des objets, de leur histoire dans, justement, la détermination probabiliste du sens.
Comment ne pas proposer que cette homologie, loin d’être l’effet du hasard, ou d’une « intoxication » par la psychanalyse, indique plus justement que les phénomènes liés au parlant et à l’inconscient notés et démontrés par Lacousticien Lacan sont produits par un système (le nerveux-parlant) qui aurait émergé de l’histoire des êtres vivants comme un système encore plus relationnel et encore plus adaptatif que son aïeul « biolgique » et sans parole, le système immunitaire.
Comment ne pas concevoir, lorsqu’un tel système nerveux-parlant produit les phénomènes observables de la schizophrénie, que cette production « révèle » une organisation fonctionnelle qui se prête aisément à la modélisation proposée par le système des images internes dans le système immunitaire, laquelle de façon frappante, rappelle les constructions topologiques de la schizophrénie selon Szondi pour ce qui concerne l’autisme.
Alors par référence au corps de la science, qu’est-ce qu’il y a à dire de Psyché et de Soma ?
Pour la biologie, aucun problème : les évènements mentaux sont évidemment de même nature moléculaire que ceux qui caractérisent des systèmes plus archaïques comme par exemple le système immunitaire. Psyché est un cas particulier phylo-génétiquement le plus récent, cas particulier d’un système biologique à productions parlantes et afférences significantes. Psyché est un produit de l’organisation du cerveau tout comme la vie est un produit de l’organisation de molécules. Psyché « parlant » est en connection via le rhinencéphale avec Soma.
Mais si la biologie peut s’intéresser à Psyché, et elle le fait en se demandant comment ça s’est développé et ça s’est organisé, elle ne peut pas s’intéresser, faute des instruments conceptuels, à ce qu’elle dit, Psyché.
L’erreur des psyché-somaticiens c’est de prendre du côté de la science ce qui ne lui servira à rien du côté de l’inconscient.
En effet, les instruments conceptuels qu’ils transportent de l’une à l’autre sont inopérants. Il est dit depuis longtemps chez les biologistes et les scientifiques que « la matière est agencée selon une hiérarchie de structures par une série historique d’intégrations successives.
A chaque niveau de complexité, les systèmes utilisent comme ingrédients certains de ceux du système du niveau antérieur ».
Si donc, on est en droit de dire que les évènements mentaux sont de nature moléculaire, on aura simplement rappelé que le système parlant doit sans doute lui-même obéir aussi à la loi physique des gaz parfaits.
Mais pour gérer l’inconscient et ses productions, cette loi c’est opératoirement du vent. Le péché psycho-somatique, c’est l’erreur originelle du scientisme de toujours.
Il est vrai que l’effroyable morcellement du corps par le biologique après l’anatomique suscite des mouvements fantasmatiques.
La médecine a toujours fait cela, morcelante du côté de la science et pour cause, et réunifiante du côté des fantasmes des sujets parlants.
Et pour effacer cette chirurgie, elle propose le fantasme de la guérison avec restitutio ad integrum, formule charismatique que la médecine offre, pour se faire pardonner sans doute, et qu’on peut entendre comme retour à l’intégrité c’est à dire à l’entièreté, c’est à dire au Un du corps de la jouissance.
Le médecin ne serait-il qu’un biologiste du corps humain ?
Il l’est désormais d’abord et de façon obligatoire, pour ce qui est des maladies où ce découpage opère.
Mais, si le médecin doit être biologiste pour ces raisons, rien ne l’oblige à être sourd.
En effet, la jouissance et l’affect évacués en bonne science quelle perte !
D’une part pour le sujet de l ‘inconscient, sujet souffrant d’abord, qui vient au médecin comme on va à la décharge, et qui se confie à l’opératoire aléatoire de la médecine.
Mais aussi pour la médecine elle-même, moins parce qu’elle craindrait de se faire doubler par des charlantans obscurantistes, les agitateurs de l’inconscient, que parce qu’elle risquerait de se priver des effets potentiellement formidables du corps-du-désir en mouvement.
De ce corps-qui-jouit, seule présentement peut en parler la psychanalyse.
Ce n’est pas dire qu’elle sache vraiment quoi en faire, justement parce qu’elle ne fait que parler de ce corps-qui-jouit, et peut-être pour son opératoire, mais il y a sans doute pour la médecine, quelque chose à entendre des métaphores du sujet-souffrant.
Par exemple lui renvoyer à l’envers, dans un aller et retour claquant à son oreille signifieuse de souffrant, à subvertir ces pilotis branlant que sont les enchainements verbeux de ses concaténations signifiantes, peut être y aurait-il à en espérer de l’effet.
De là, à ce que ça lui transforme le corps, au souffrant, ce serait une autre paire, et pas seulement une paire de mots.
Mais, de cette métaphore qu’est un cancer pour le médecin, ce cancer du corps biologique des médecins, le Sujet justement n’a aucun doute rien à en faire au fond.
C’est l’affaire du médecin de l’entendre comme il l’entend.
Le cancer pour le sujet cancéreux serait plutôt les métaphores du corps imaginaire qui lui reviennent dans le cerveau de l’affect, avec sa souffrance de sujet de l’inconscient au bout, ce que J. Guir avait appelé « la vraie souffrance du sujet ».
Il est vrai de dire que le sujet parlant ne souffre (hors la torture physique) que de son inconscient, de son histoire, de ses réminicences, de sa structure, confronté à un événement fût-il une production morbide, et la sienne propre.
Si donc le sujet souffre lorsqu’il est confronté à une situation signifiante pour lui, si tout cela existe, il serait dommage que la médecine ne l’entende pas.
Les psycho-somaticiens ou soi disant tels, orthodoxes ou en passe de l’être, ont relevé de façon anecdotique les effets parfois « miraculeux » d’une cure ou d’une « méditation intensive » selon leur propre terme, effets spectaculaires sur des métastases de cancer.
Au delà de cet effet commercialo-cosmétique, beaucoup plus loin, même si l’on sait combien il est relativement facile de moduler, comme ça, en nombre, et en étendue les métastases de certains cancers, beaucoup plus que la réduction tumorale, c’est cette qualité de la survie, cette plénitude d’être de l’analysant cancéreux que décrivent un certains nombre de malades, qui sont morts ou pas, et qui ont témoigné du parfois véritable bonheur d’être avant de mourir lorsque la souffrance dégradante de l’angoisse enfin partie, ils, elles, ont abordé la fin dans la dignité.
La tentative psyché-soma, c’est celle de la réunification « vraie » de deux discours qui en fait ne peuvent pas s’entendre, puisque ce n’est pas de la même langue dont ils sont faits.
C’est l’histoire très mot-à-mot de Docteur Jekyl et Mister Hyde.
Dr. Jekyl est un biologiste-découpeur, Mister Hyde a plutôt des pulsions globalisantes et cohérentifiante. Dr. Jekyl voudrait témoigner que l’un et l’autre sont dans le même ordre biologique. Là il fait une erreur et même horreur : l’horreur, c’est sa souffrance de scientiste à vouloir réduire la force quelque peu désirante de Hyde dans un discours biologique.
Pour résumer disons que :
1. le corps de la biologie et des systèmes n’est pas « réel » ;
2. ce découpage du corps par la biologie est au moins aussi angoissant pour le sujet que le corps des chimères ou le corps anatomique. La science et ses représentations ne sont pas bien faites pour gratifier l’imaginaire du Sujet ;
3. la technique médicale a raison de se servir de ce que lui offre la science. Elle se ferait du tort cependant à prendre ses moyens conceptuels pour un fin de non entendre, pire encore, à les exposer de façon obscène aux oreilles volontiers littéralisantes des souffrants ;
4. la médecine psycho-somatique est dans la cofusion de deux discours : l’un de l’ordre éthique, celui du sujet souffrant et malade, l’autre le discorus scientifique ;
5. il faudrait que les médecins sachent comprendre et parler ces deux langues.
De : Jacques Leibowitch (mailto:jacques.leibowitch)
Envoyé : mardi 18 décembre 2018 12:07
À : ’CAROLINE PETIT’
Cc : ’Philippe Poussier’ ; ’Pierre’
Objet : prose post transréaliste qq semaines avant le flash retrovirus sida …juin 1982.