Extraits
« Une éthique est à formuler qui intègre les conquêtes freudiennes sur le désir : pour mettre à sa pointe la question du désir de l’analyste ».
É. : La direction de la cure, p. 615.
« …Filer dans la marge que Freud réserve à la vérité.
Car la vérité s’y avère complexe par essence, humble en ses offices et étrangère à la réalité, insoumise au choix du sexe, parente de la mort et, à tout prendre, plutôt inhumaine, Diane peut-être… Actéon trop coupable à courre la déesse, proie où se prend, veneur, l’ombre que tu deviens, laisse la meute aller sans que ton pas se presse, Diane à ce qu’ils vaudront reconnaîtra les chiens… »
É. : La Chose Freudienne, p. 436.
« Qui aura la naïveté encore de s’en tenir, quant à Freud, à cette figure de bourgeois rangé de Vienne, qui stupéfia son visiteur André Breton de ne s’auréoler d’aucune hantise de Ménades ? Maintenant que nous en savons plus que l’œuvre, n’y reconnaîtrons-nous pas un fleuve de feu, qui ne doit rien à la rivière artificielle de François Mauriac ?
Qui mieux que lui avouant ses rêves, a su filer la corde où glisse l’anneau qui nous unit à l’être, et faire luire entre les mains fermées qui se le passent au jeu du furet de la passion humaine, son bref éclat ?
Qui a grondé comme cet homme de cabinet contre l’accaparement de la jouissance par ceux qui accumulent sur les épaules des autres les charges du besoin ?
Qui a interrogé aussi intrépidement que ce clinicien attaché au terre-à-terre de la souffrance, la vie sur son sens, et non pour dire qu’elle n’en a pas, façon commode de s’en laver les mains, mais qu’elle n’en a qu’un, où le désir est porté par la mort ? »
É. : La direction de la cure, p. 642.
« Chez L’homme « affranchi » de la société moderne, voici que ce déchirement révèle jusqu’au fond de l’être sa formidable lézarde. C’est la névrose d’auto-punition, avec les symptômes hystérico-hypocondriaques de ses inhibitions fonctionnelles, avec les formes psychasthéniques de ses déréalisations de l’autrui et du monde, avec ses séquences sociales d’échec et de crime. C’est cette victime émouvante, évadée d’ailleurs irresponsable en rupture de ban qui voue l’homme moderne à la plus formidable galère sociale, que noue recueillons quand elle vient à nous, c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux. »
É. : L’agressivité en psychanalyse, p. 124.
« Alors, qu’est-ce qui nous lie à celui avec qui nous nous embarquons, franchie la première appréhension du corps ? Et est-ce que l’analyste est là pour lui faire grief de ne pas être assez sexué, de jouir assez bien ? Et quoi encore ? Qu’est-ce qui nous lie à celui qui, avec nous, s’embarque dans la position qu’on appelle celle du patient ?
Est-ce qu’il ne vous semble pas que, si on le conjoint à ce lieu, le terme frère qui est sur tous les murs, Liberté, Égalité, Fraternité, je vous le demande, au point de culture où nous en sommes, de qui sommes-nous frères ? De qui sommes-nous frères dans tout autre discours que dans le discours analytique ? Est-ce que le patron est le frère du prolétaire ? Est-ce qu’il ne vous semble pas que ce mot frère, c’est justement celui auquel le discours analytique donne sa présence, ne serait-ce que de ce qu’il ramène ce qu’appelle ce barda familial ? Vous croyez que c’est simplement pour éviter la lutte des classes ? Vous vous trompez, ça tient à bien d’autres choses que le bastringue familial. Nous sommes frères de notre patient en tant que, comme lui, nous sommes les fils du discours. […] Notre frère transfiguré, c’est cela qui naît de la conjuration analytique et c’est ce qui nous lie à celui qu’improprement on appelle notre patient. »
Lacan J., …Ou pire, leçon du 21 juin 1972. Inédit.
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